Question de confiance

Il est fréquent qu’en raison d’une expérience malheureuse (parfois) ou par méconnaissance (le plus souvent), certaines personnes se demandent si les médecins du travail exercent leur métier librement, ce qui revient en fait à mettre en doute la confiance accordée à la Médecine du travail elle-même.

Dans le contexte actuel de réforme de l’Institution, la réponse à cette question est d’importance car elle pourrait conditionner certains aspects essentiels de son fonctionnement futur.

Elle est évidemment positive, même s’il convient de l’assortir de réserves.

Si, en théorie, les médecins du travail parviennent à remplir leur mission en toute indépendance et à résister à d’éventuelles pressions, notamment en matière d’aptitude ou d’inaptitude, en prenant appui sur le Code de déontologie et le Code du travail (qui protègent leur exercice professionnel), le manque de « moyens » dont ils souffrent de plus en plus fréquemment peut, dans les faits, porter gravement atteinte à leur liberté d’action.

Des textes inadaptés, des exigences excessives au regard du temps dont ils disposent pour remplir leur mission de Conseil auprès des Employeurs et des Salariés, des effectifs à surveiller trop nombreux (et parfois même pléthoriques), un manque de personnel qualifié pour les assister, en particulier pour l’action en milieu de travail, constituent autant d’entraves à un libre exercice de leur métier.

Force est de constater que les cas d’atteinte directe à l’indépendance des médecins du travail sont statistiquement exceptionnels. En revanche, les atteintes indirectes sont, elles, de plus en plus fréquentes, en relation avec les facteurs rappelés précédemment, en relation aussi avec la « politique » purement comptable prônée par certains, contraire à la lettre des textes et à l’esprit d’une mission d’intérêt général.

On peut évidemment avoir confiance en la Santé au travail. Mieux même, on doit avoir confiance en elle car elle est la seule Institution ayant en charge la Prévention, présente sur le terrain, dans les entreprises de toutes tailles, au plus près des risques professionnels. Les compétences professionnelles des médecins du travail, leur statut, leur éthique et leur déontologie, dès lors qu’ils échappent au piège du corporatisme, doivent être considérés comme autant de garanties, aussi bien pour les Employeurs que pour les Salariés, dont ils sont les Conseillers.

Cette vision, si réelle et positive soit-elle, pourrait hélas être remise en cause par une réglementation inadaptée, qui, transformant de facto les médecins du travail en simples exécutants d’obligations réglementaires ou les cantonnant dans un seul volet de leur activité, le volet « médical » en l’occurrence, entamerait leur crédit et leur ferait perdre la double qualité de Médecins spécialistes et de Médiateurs neutres, qui est la condition sine qua non d’un exercice normal de leur activité.

La liberté sans indépendance n’existe pas et la crédibilité de l’Institution sans la liberté de ses Professionnels est illusoire.

L’un des principaux enjeux de la réforme à venir réside dans la capacité des Pouvoirs Publics à mettre en place un système qui, prenant en compte ces données et ces exigences, permette à chacun d’exercer ses droits et de faire face à ses responsabilités dans le respect des droits et devoirs des autres parties, en toute confiance.

Gabriel PAILLEREAU

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