Au travail, partout, les prédateurs sont parmi nous !

Avec son livre « Le harcèlement moral », paru en 1998, vendu à près de 500 000 exemplaires, Marie-France Hirigoyen avait frappé les esprits et ouvert une nouvelle ère dans la prise en compte de dérives dans les relations humaines au sein de l’Entreprise. On n’oublie pas qu’elle a été à l’origine de la loi de 2002 sur le harcèlement moral.

Elle « récidive » aujourd’hui avec « Abus de faiblesse et autres manipulations », livre dans lequel elle s’attaque à un fléau qui s’étend à toutes les sphères de notre Société : la manipulation.

Les responsables ? Divers « imposteurs » parmi lesquels ceux que l’on appelle les « pervers narcissiques », à l’œuvre dans le couple, au travail, partout où ils peuvent exercer leur emprise sur autrui, c’est-à-dire toute personne plus faible, plus confiante ou plus brillante qu’eux, ces caractéristiques n’étant pas antinomiques…

« Il est très délicat de dénoncer les dérapages de ces manipulateurs qui jouent à la limite, et avec les limites. Une victime tentée de porter plainte se trouvera confrontée à la difficulté d’apporter des preuves et, si elle est déboutée, risquera une condamnation pour dénonciation calomnieuse. Il n’est guère plus aisé d’en parler, ne serait-ce que pour se questionner sur un comportement, car, s’ils possèdent un solide compte en banque et de bons avocats, ces habiles stratèges sauront riposter et attaqueront pour diffamation ou atteinte à la vie privée. » (pages 18 et 19)

« Dans le monde du travail, il s’est avéré que derrière les comportements individuels de harcèlement moral se cachait parfois un management pervers induisant les dérives des individus. La cour de cassation ne s’y est pas trompée et a sanctionné des modes de management constituant du harcèlement moral. » (page 22)

« Chez eux, la notion de loi n’est pas effacée, au contraire. Ils prennent plaisir à la contourner, la dévoyer pour se présenter au bout du compte comme porteurs de la vraie loi. Tout en banalisant leurs méfaits – tout le monde fait ça ! –, ils remettent en question les valeurs établies et cherchent à imposer leur vision d’un monde sans bornes. Tout l’art des pervers narcissiques consiste à jouer avec les limites, « à la limite ». Cela explique qu’ils soient difficiles à arrêter, puisqu’on ne peut rien faire tant qu’ils ne transgressent pas la loi de façon évidente. » (page 251)

Si on ajoute à ces quelques phrases, extraites du livre de Marie-France Hirigoyen, la réponse de Dominique Barbier, psychiatre, à la question posée par un journaliste du Nouvel Observateur sur les lieux où on les rencontre le plus souvent, on est en droit de s’inquiéter très sérieusement de la situation dans le monde du travail :

« En général dans les postes à responsabilité, les métiers valorisants, qui permettent d’exercer une emprise sur l’autre – même, fait nouveau, dans les hôpitaux. Et bien sûr en politique, où l’on peut raconter n’importe quoi et où on est dans la toute puissance impunie ».

Encore deux questions et un commentaire :

  • quand ils transgressent la loi, est-on bien sûr que la sanction soit au bout ?
  • en période de crise, le problème ne se trouve-t-il pas amplifié dès lors que le management est assuré par des « petits chefs » et des « chefs petits » ?
  • je suis hélas convaincu qu’à un moment ou un autre de notre vie professionnelle, nous avons tous eu – ou nous aurons – à souffrir de personnages de ce type, qui, comme le souligne Marie-France Hirigoyen, « s’ils n’ont aucun scrupule à manipuler les autres, n’hésitent pas à leur donner des leçons de morale et à dénoncer leurs dérapages. En général ils le font habilement, n’agissent pas directement mais en sous-main, s’exprimant par allusion, par exemple en s’arrangeant pour diffamer, semer le doute sur la moralité d’un collègue, ou lancer des rumeurs qui seront reprises par d’autres. » (page 250)

La difficulté est de savoir les reconnaître. Même si certaines caractéristiques peuvent attirer l’attention, comme l’absence totale d’empathie, la froideur émotionnelle, la tendance à la culpabilisation de l’autre, le double jeu et le double langage, la psychorigidité, l’inversion des rôles (le bourreau se présente comme victime), quand on en prend conscience, il est déjà trop tard, et, comme le souligne Marie-France Hirigoyen, « ce dernier (le pervers narcissique) en profitera pour évacuer sur la victime tout son négatif, la souffrance qu’il n’éprouve pas ou son manque d’estime de soi. » (page 249)

Ne perdons pas de vue que  » ce sont des prédateurs qui cherchent à démolir les pensées de l’autre, sa capacité de réflexion et son humanité. » (page 249)

On ne peut évidemment que recommander la lecture de ce livre, aussi bien au grand public qu’aux professionnels, en vue de mieux appréhender un fléau qui ne cesse de s’étendre, la crise aidant, dans le monde du travail tout particulièrement.

Gabriel Paillereau
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